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En Allemagne, l’afflux récent de migrants à Lampedusa renforce le discours anti-immigration

En Allemagne, les conservateurs et l’extrême-droite profitent du récent épisode d’arrivées de migrants à Lampedusa pour appeler à une politique migratoire plus ferme.

Les plupart des migrants qui arrivent sur l’île italienne de Lampedusa, en mer Méditerranée, ne veulent pas rester en Italie. Le gouvernement d’extrême-droite italien ne fait d’ailleurs guère d’efforts pour les empêcher de poursuivre leur route. Ainsi, nombre de migrants réussissent à rejoindre le nord de l’Europe sans s’enregistrer en Italie.

En vertu de la législation européenne en matière d’asile appelée « Règlement Dublin », les procédures doivent être engagées dans le premier pays d’entrée de l’Union européenne (UE) du demandeur d’asile. Cette année, l’Italie a toutefois refusé de se conformer à cette réglementation. En réaction, l’Allemagne refuse désormais d’accueillir des demandeurs d’asile en provenance d’Italie, malgré les récents accords sur une répartition solidaire des migrants au sein de l’UE.

Selon l’Agence européenne pour l’asile (AUEA), un tiers des demandes d’asile déposées dans l’UE et l’espace Schengen le sont en Allemagne. Les villes et communes allemandes ont ainsi tiré la sonnette d’alarme, estimant ne pas être en mesure d’offrir suffisamment de logements et de possibilités d’intégration.

Selon le ministère allemand de l’Intérieur, environ 1,1 million de réfugiés ukrainiens ont été enregistrés en Allemagne depuis le début de la guerre en février 2022. Par ailleurs, l’Office fédéral pour la migration et les réfugiés (BAMF) a reçu cette année plus de 200 000 demandes d’asile en provenance d’autres pays, soit une augmentation de près de 80 % par rapport à la même période de l’année dernière. Environ 70 % des demandeurs sont des hommes.

La mise en œuvre des expulsions reste compliquée

Seule une petite partie des demandeurs se voient effectivement accorder l’asile pour des faits de persécution politique. Mais il existe d’autres formes de protection qui donnent le droit de rester en Allemagne. 

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Fin juin, environ 44 500 demandeurs d’asile vivaient en Allemagne, la plupart d’entre eux venant de Turquie, de Syrie et d’Iran. Dans le même temps, environ 755 000 personnes bénéficiant du statut de réfugié en vertu de la Convention de Genève, principalement originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, se trouvaient sur le territoire allemand.

Près de 280 000 étrangers sont actuellement dans l’obligation de quitter le pays. Environ la moitié d’entre eux sont des demandeurs d’asile déboutés. Cependant, la plupart bénéficient d’un « séjour toléré » (Duldung). Cela signifie qu’une personne est obligée de quitter le pays mais ne peut être expulsée « pour des raisons matérielles ou juridiques ». Ce statut s’applique par exemple pour des personnes ayant des problèmes de santé qui ne peuvent pas être traités dans son pays d’origine.

Par ailleurs, l’Allemagne compte 95 000 étrangers dont la nationalité ne peut être déterminée et qui ne peuvent donc être légalement expulsés.

À la fin du mois de juin, un peu plus de 54 000 personnes étaient enregistrées comme devant « immédiatement quitter le pays », c’est-à-dire qu’elles peuvent être expulsées à tout moment. Le gouvernement allemand avait prévu de lancer une « offensive de rapatriement » lorsqu’il est entré en fonction fin 2021. Mais en 2022, moins de 13 000 personnes ont effectivement été expulsées. Au cours du premier semestre 2023, ce nombre était de près de 7 900.

4 000 kilomètres de frontière

Face aux difficultés que représentent ces expulsions, des responsables politiques appellent désormais à un changement de politique migratoire et à des quotas plus stricts.

Ces appels émanent aussi du parti libéral FDP, la plus petite formation de la coalition gouvernementale actuelle. « Nous devons enfin mettre un terme à l’immigration illégale et contrôler l’immigration », a ainsi déclaré Bijan Djir-Sarai, secrétaire général du parti, au tabloïd Bild. « Sinon, nous allons surcharger nos écoles et l’État-providence, ce qui conduira également des centaines de milliers de migrants dans une impasse, sans perspectives d’éducation et d’emplois.

Mais comment réduire le nombre d’entrées dans le pays ? L’Allemagne a des frontières communes avec neuf États membres de l’Union européenne, qui s’étendent sur un peu moins de 4 000 kilomètres. Selon la ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser, ces frontières sont « évidemment » contrôlées, et ce « très fortement et à tous les niveaux ».

>> A (re)lire : L’Allemagne va renforcer ses contrôles aux frontières avec la Pologne et la République Tchèque pour freiner les arrivées de migrants

Dans son interview aux journal Frankfurter Allgemeine Zeitung, elle a également assuré que l’Allemagne parvenait actuellement à repérer et à stopper les entrées non autorisées, en partie grâce à la bonne coopération avec la police et les autorités de certains pays voisins. Pour elle, « c’est certainement plus efficace que de mettre en place quelques contrôles sur les routes qui traversent la frontière ». Nancy Faeser estime en effet que la régulation de la migration ne peut se faire qu’au niveau européen.

La Bavière veut couper les aides financières 

Ces dernières années, peu de progrès ont été réalisés sur la question de la répartition équitable des réfugiés au sein de l’UE. Désormais, les ministres de l’Intérieur de l’UE ont l’ambition de réformer le système d’asile et d’introduire des procédures accélérées aux frontières extérieures pour les migrants ayant peu de chances d’être autorisés à rester en Europe. Mais la mise en œuvre de ces mesures pourrait prendre des années.

Par ailleurs, avec la guerre civile qui fait toujours rage en Syrie et le régime répressif des Taliban en Afghanistan, quiconque parvient à fuir ce pays pour rejoindre l’Europe ne pourra pas être expulsé dans un avenir proche.

En Allemagne, les partis conservateurs et d’extrême-droite ne cessent d’affirmer que de nombreux migrants ne viennent dans le pays que pour profiter de l’aide sociale, supposée plus généreuse que dans de nombreux autres pays européens.

En Allemagne, toute personne est en droit de bénéficier d’une aide sociale, même si sa demande d’asile ou de séjour a été rejetée et qu’elle est dans l’obligation de quitter le pays. La Bavière veut réformer cela. Markus Söder, ministre-président du Land (Etat fédéré), en a fait un thème de campagne pour les élections régionales d’octobre. Il a annoncé que les demandeurs d’asile déboutés en Bavière ne recevraient plus d’aide financière, mais seulement de la nourriture et des vêtements. Markus Söder veut également une baisse générale de l’aide financière accordée aux réfugiés.

Auteure : Sabine Kinkartz

Source : dw.com

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