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La Côte d’Ivoire entre deuil, incertitudes et culture politique à l’ancienne

Coup de tonnerre en Côte d’Ivoire avec le décès brutal du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Wathi, en partenariat avec la fondation Konrad Adenauer, a lancé il y a quelques semaines le site «Ivoire Politique» dédié à l’élection présidentielle et aux dynamiques locales en Côte d’Ivoire. Entretien.

RFI : La disparition
brutale de celui qui était aussi le candidat du parti au pouvoir à la
prochaine élection suscite forcément un commentaire de votre part ?

Gilles Yabi
: Oui, il faut d’abord saluer bien sûr la mémoire d’Amadou Gon
Coulibaly comme l’ont fait tous les acteurs de la vie politique et
sociale ivoirienne, y compris les plus farouches adversaires du camp
présidentiel dont le défunt était le premier pilier. Tous reconnaissent
au-delà de sa relation très personnelle avec le président Ouattara et de
sa loyauté à ce dernier, ses qualités de rigueur, de travail et
d’organisation. Ce sont de belles qualités à promouvoir dans l’exercice
de toutes les fonctions publiques. Mais en cette année si particulière,
qui se prête à un réexamen des priorités et à la recherche d’un meilleur
équilibre entre les différentes dimensions de nos vies humaines toutes
si fragiles, on peut se demander si la santé précaire du regretté Gon
Coulibaly, connue depuis de nombreuses années, n’aurait pas dicté des
formes d’engagement plus compatibles avec cette réalité. On pouvait
s’inquiéter de l’impact d’une campagne électorale sur son état de santé.
Malheureusement, il n’aura pas tenu jusque-là.

C’est
encore le temps du deuil mais on imagine que les tractations politiques
ne peuvent pas attendre pour désigner un nouveau candidat pour le
Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix, le RHDP
au pouvoir ?

Oui, je crois que toutes les cartes sont à nouveau sur la table. Y compris celle de la candidature du président sortant. Le président avait tenu à conserver aussi longtemps que possible l’option de se présenter pour un troisième mandat en clamant haut et fort que le changement de la Constitution en 2016 rendait une nouvelle candidature juridiquement valable.

Il
avait aussi menacé de choisir cette option si les acteurs politiques de
sa génération décidaient de se porter candidats. Maintenant on sait que
Henri Konan Bédié, son ancien adversaire dans les années 1990 devenu
grand allié puis à nouveau adversaire résolu, est bel et bien le
candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire, le PDCI.

Ce qui
semble clair, c’est que le président Ouattara sera celui qui décidera à
nouveau, bien plus que les cadres de son parti, de la personnalité qui
remplacera le défunt Amadou Gon Coulibaly comme candidat du RHDP. Dans
un article sur les jeux de pouvoir en Côte d’Ivoire et en Guinée publié
il y a quelques mois, j’écrivais que « à Conakry comme à Abidjan, ce
qui semble absolument inenvisageable pour les deux présidents, c’est de
ne pas décider eux-mêmes de l’avenir politique de leur pays après la
fin de leur mandat
 ». Évidemment l’hypothèse de la candidature à un
troisième mandat est plus crédible dans le pays d’Alpha Condé que dans
celui d’Alassane Ouattara.

Mais vous dites que dans le
fond, ce qui transparaît, c’est une conception du pouvoir « à l’ancienne
», qui voudrait que le chef soit toujours le seul qualifié et légitime
pour savoir ce qui est bon pour « son peuple »…

Absolument,
et on ne pourra pas faire évoluer cette culture politique si on
continue à faire comme si elle ne concernait que quelques leaders et
qu’elle n’était pas entretenue par une partie non négligeable des élites
politiques et des leaders d’opinion de manière générale. Je rappelle
que le candidat le plus proche de l’investiture officielle de son parti
aujourd’hui est Konan Bédié, âgé de 86 ans qui a déjà dirigé le pays. En
Côte d’Ivoire, l’âge médian de la population est estimé à 18 ans.

Ce
qui est déroutant lorsqu’on connaît un peu ce pays, c’est le décalage
entre le dynamisme, la créativité, le bouillonnement culturel et le pool
de ressources humaines compétentes dans le business et l’ingénierie
d’une part, et de l’autre le caractère figé, voire sclérosé du jeu
politique. En Côte d’Ivoire, comme dans beaucoup d’autres pays du
continent, ce qui pousse à un doute profond sur l’avènement imminent
d’une Afrique « d’après » très différente de l’Afrique d’aujourd’hui,
c’est bien la conception surannée du pouvoir politique.

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