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Ex-milicien devenu réfugié politique : l’intrigant passé de l’homme qui a brûlé un Coran en Suède

Depuis l’incendie d’un Coran le 28 juin 2023 par un immigré irakien, membre d’un parti d’extrême droite en Suède, d’anciennes vidéos ont refait surface, le montrant en tenue d’une milice irakienne proche de l’Iran et accusée de crimes de guerre. Salwan Momika serait passé à l’acte quelques mois seulement après le refus de sa demande de naturalisation.

Le 28 juin 2023, au premier jour de la fête musulmane de l’Aïd al-Adha, un immigré irakien de confession chrétienne a piétiné, puis mis le feu à un Coran devant la plus grande mosquée de Stockholm.

Accompagné et filmé par un ami, Momika a également mis des tranches de jambon sur le Coran, dans un acte que le ministère suédois des Affaires étrangères qualifie désormais d’ »islamophobe ». La police suédoise avait initialement interdit l’autodafé mais le 22 juin 2023, Momika a eu l’autorisation par décision de justice.

Captures d’écran d’une vidéo qu’il a mise en ligne le 29 juin 2023 sur son compte TikTok, que la rédaction des Observateurs choisit de ne pas publier, Salwan Momika brûle, tout sourire, quelques pages d’un Coran, le livre sacré des musulmans. On l’entend ironiser en disant “Allah Akbar”.
Captures d’écran d’une vidéo qu’il a mise en ligne le 29 juin 2023 sur son compte TikTok, que la rédaction des Observateurs choisit de ne pas publier, Salwan Momika brûle, tout sourire, quelques pages d’un Coran, le livre sacré des musulmans. On l’entend ironiser en disant “Allah Akbar”. © Les Observateurs de France 24

Arrivé en Suède en avril 2018, Salwan Momika a obtenu le statut de réfugié dans ce pays en avril 2021, selon des informations transmises à notre rédaction par l’Agence suédoise de l’immigration. Depuis, il bénéficie d’un titre de séjour valable pendant trois ans (jusqu’en avril 2024) et vit dans la petite commune de Järna, au sud de la capitale.

L’incident a provoqué colère et indignation dans le monde musulman, le président turc Recep Tayyip Erdogan menaçant, une nouvelle fois, de bloquer l’adhésion de la Suède à l’Otan.

Ancien milicien devenu réfugié politique

Sur son compte Facebook, Salwan Momika se dit “homme politique, penseur et écrivain athée et éclairé”. Il est actif sur l’ensemble des réseaux sociaux, notamment TitTok et Facebook, mais aucun de ses comptes ne date d’avant l’obtention de son statut de réfugié.

Les dizaines de vidéos qu’il a mises en ligne, les publications qui les accompagnent ainsi que la mention des pays arabes en mot-dièse laissent à penser qu’il cherchait à ébruiter son acte et à susciter un maximum d’interactions.

Capture d'écran d'une vidéo publiée par Salwan Momika la veille de l’incendie pour annoncer qu’il a reçu l’aval des autorités suédoises pour brûler le Coran. Il appelle ses abonnés à venir le retrouver, au premier jour de la fête musulmane de l'Aïd al-Adha devant la grande mosquée.
Capture d’écran d’une vidéo publiée par Salwan Momika la veille de l’incendie pour annoncer qu’il a reçu l’aval des autorités suédoises pour brûler le Coran. Il appelle ses abonnés à venir le retrouver, au premier jour de la fête musulmane de l’Aïd al-Adha devant la grande mosquée. © Les Observateurs de France 24

Cependant, d’anciennes vidéos de l’auteur ont été relayées à la suite de son geste, notamment par ses concitoyens irakiens en Suède. Vérifiées par la rédaction des Observateurs, elles le montrent avec un groupe d’hommes, tous habillés en t-shirt noir, arborant le drapeau d’une milice irakienne proche de l’Iran, les Brigades de l’Imam Ali.

Capture d'écran d’une vidéo, largement diffusée sur les réseaux sociaux depuis le 29 juin 2023, montre Momika se présenter comme le responsable d’un groupuscule d’irakiens chrétiens mobilisés au sein des Brigades de l’Imam Ali, une milice proche de l’Iran.
Capture d’écran d’une vidéo, largement diffusée sur les réseaux sociaux depuis le 29 juin 2023, montre Momika se présenter comme le responsable d’un groupuscule d’irakiens chrétiens mobilisés au sein des Brigades de l’Imam Ali, une milice proche de l’Iran. © Les Observateurs de France 24

C’est le cas d’un extrait diffusé depuis le 29 juin, au lendemain de l’autodafé du Coran, par de nombreux comptes sur les réseaux sociaux. Momika affirme être le responsable d’un noyau chrétien au sein des Brigades de l’Imam Ali, une organisation créée en 2014 et accusée des crimes de guerre.

Si la vidéo d’origine est introuvable en ligne, la rédaction des Observateurs a pu authentifier l’extrait qui en est tiré, et ce grâce à deux vidéos différentes datant de juillet 2015 et montrant la même mise en scène, prise d’un angle différent. La première a été publiée sur le compte Facebook des Faucons des forces syriaques, une milice et bras armé du parti “Union Syriaque Démocratique” fondé par Momika lui-même en 2014. La deuxième est un reportage de la chaîne libanaise MTV, publié sur Youtube, toujours en juillet 2015.

Salwan Momika dirigeait ce groupuscule armé aux abords de Mossoul en 2017 mais à cause de la lutte de pouvoir avec Rayan al-Kaldani, le chef d’une autre milice chrétienne, « Babylone », il a fini par quitter l’Irak, selon ce qu’a rapporté le site d’informations panarabe Al Araby Al Jadeed.

Une capture d’écran d’une vidéo de propagande publiée en juillet 2015 par la chaîne Youtube “The Voice of the Syriac” avec la même mise en scène montrant Salwan Momika, une feuille à la main et en uniforme, en train de faire un discours.
Une capture d’écran d’une vidéo de propagande publiée en juillet 2015 par la chaîne Youtube “The Voice of the Syriac” avec la même mise en scène montrant Salwan Momika, une feuille à la main et en uniforme, en train de faire un discours. © Les Observateurs de France 24

Les Brigades de l’Imam Ali, dont le leader est sous le coup de sanctions américaines depuis 2018, est une milice parmi des dizaines d’autres opérant sous la houlette d’al-Hachd al-Chaabi (« la mobilisation populaire »), un groupement de milices intégrées à l’armée irakienne depuis 2016 dans le but de combattre l’organisation de l’Etat Islamique. L’ensemble de ces milices bénéficient du soutien logistique et financier de l’Iran.

Des vidéos circulent montrant des membres des Brigades de l’imam Ali commettre des atrocités sur des membres de l’organisation Etat islamique.

Une ancienne photo de Salwan Momika datant d’avant son arrivée en Suède en avril 2018 le montre assis dans son bureau, une kalachnikov à portée de main et devant le drapeau des Araméens-Syriaques, deux minorités ethniques de la région.
Une ancienne photo de Salwan Momika datant d’avant son arrivée en Suède en avril 2018 le montre assis dans son bureau, une kalachnikov à portée de main et devant le drapeau des Araméens-Syriaques, deux minorités ethniques de la région. © Les Observateurs de France 24

Contactée par notre rédaction, l’Agence suédoise de l’immigration a refusé de se prononcer sur les raisons l’ayant convaincu d’accorder l’asile à Momika. La police, elle, nous a expliqué ne pas être en mesure de fournir une quelconque information car “une enquête est en cours pour incitation à la haine”.

Le site de l’agence suédoise de l’immigration indique que “les personnes qui ont commis certaines infractions pénales, telles que des crimes de guerre (…) ne peuvent se voir accorder l’asile en vertu de la législation suédoise”.

S’il n’y a plus de doute sur l’appartenance de Momika à ces milices, aucune des publications les mettant en cause sur les réseaux sociaux ne permet cependant de confirmer son implication dans des actes criminels.

Dans une vidéo de Salwan Momika, relayée à nouveau le 3 juillet 2023, il affirme qu’il y a eu des tensions entre sa milice et les autres Brigades d’al-Hachd al-Chaabi. Il y déclare avoir été “victime des pires actes de torture” commis par celles-ci.

ٍSalwan Momika avait nié, dans un entretien avec le journal suédois Expressen le lendemain de son geste, avoir été proche d’al-Hachd Al Chaabi. Sollicité, il n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.

Demande de naturalisation refusée avant son dépôt

Peu après son arrivée en Suède, Momika s’est rapproché des Démocrates de Suède, un parti ultra-nationaliste, d’après un document interne de l’ambassade suédoise à Bagdad. Voulant déposer une demande de naturalisation, il aurait demandé la résidence permanente, un passage obligatoire avant de procéder à la nationalité suédoise mais sa requête a reçu un avis défavorable de la part des autorités. D’après les autorités, Momika a été condamné à des travaux d’intérêt général après avoir menacé de mort, couteau à la main, un homme.

En Suède, le renouvellement d’un titre de séjour provisoire (celui de Salwan Momika expire en avril 2024) dépend de l’évolution de la situation sécuritaire dans son pays d’origine, sur laquelle les autorités compétentes doivent statuer avant la date d’expiration.

Salwan Momika a par ailleurs critiqué, dans une vidéo publiée dans les heures suivant sa mise à feu d’un Coran, les autorités suédoises pour ne pas lui avoir fourni une protection à la hauteur du risque encouru.

Capture d'écran vidéo diffusée en direct sur le compte instagram de Salwan Momika suivant l’incendie du Coran. Il y accuse les autorités suédoises de ne lui avoir fourni aucune protection alors qu’il se trouve “internationalement menacé”. La vidéo a depuis été supprimée mais des extraits enregistrés ont été relayés sur les réseaux sociaux.
Capture d’écran vidéo diffusée en direct sur le compte instagram de Salwan Momika suivant l’incendie du Coran. Il y accuse les autorités suédoises de ne lui avoir fourni aucune protection alors qu’il se trouve “internationalement menacé”. La vidéo a depuis été supprimée mais des extraits enregistrés ont été relayés sur les réseaux sociaux. © Les Observateurs de France 24

Des vidéos plus récentes publiées par Salwan Momika le montrent à l’intérieur d’une chambre d’hôtel. Il a par ailleurs nié que ses actes constituaient un crime de haine, déclarant qu’il appartiendrait à un tribunal d’en décider en fin de compte.

Entre-temps, il a annoncé qu’il avait l’intention de réitérer son action une troisième fois. Il planifie de brûler le drapeau irakien et le Coran devant l’ambassade d’Irak à Stockholm la semaine prochaine, selon ses dires.

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