Afrique de l’Ouest : entre promesses de croissance et incertitudes pour 2025 (Rapport FMI)

Le Fonds monétaire international (FMI) a dévoilé, le 25 avril 2025, son rapport semestriel sur les Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne. Constat : le niveau de croissance dans l’espace ouest-africain reste contrasté. Le Sénégal se démarque, toutefois, avec la plus forte projection de croissance de la région pour 2025.
Avec 4,4 % en 2024, la croissance économique des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), a été plus forte qu’en 2023 où elle était de 3,6 %, indique le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport.
Cette performance s’explique notamment par la reprise de l’activité dans plusieurs économies de la sous-région après la récente crise de quatre ans suite au Covid 19, selon l’institution. Cette dynamique de progression devrait se poursuivre en 2025 pour certains pays à l’image du Sénégal dont la croissance du produit intérieur brut (PIB) est projetée à 8,4 % contre 6,7 % en 2024. Ce résultat positionne le Sénégal comme le pays qui aura la plus forte croissance d’Afrique subsaharienne, selon les prévisions du FMI.
Les bonnes notes du Sénégal s’expliquent par l’essor du secteur secondaire, en particulier l’exploitation des hydrocarbures. Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), les activités extractives de pétrole brut ont bondi de 247,3 % au troisième trimestre 2024. À cela s’ajoutent le renforcement des « capacités de recouvrement, l’intégrité et la responsabilisation (qui) peuvent produire des recettes non négligeables », estime le FMI qui prévoit une croissance plus modérée en 2026, de l’ordre de 4,1 % pour le Sénégal.
Malgré ses performances, le Sénégal fait face à une dette publique qui est actuellement de 113,7 % de son PIB. Mais selon le FMI, cette dette connaitra une baisse pour se situer à 111,4 % en 2026.
La question de la dette publique reste un sujet crucial au Sénégal, d’autant plus qu’elle a récemment fait l’objet d’une vive controverse politique. En 2024, l’audit commandité par le régime de Bassirou Diomaye Faye, nouvellement élu, a révélé un écart majeur entre les chiffres officiels précédemment communiqués par le régime précédent et la réalité. Selon ce rapport, l’encours total de la dette s’élevait en réalité à presque 100 % du PIB, un niveau largement supérieur aux 74,41 % annoncés par l’administration sortante de l’ancien président Macky Sall.
Le Fonds souligne que les pays riches en ressources naturelles tirent une part substantielle de leurs revenus publics des exportations de matières premières, en particulier des hydrocarbures. Ces pays disposent, en période de prix élevés, d’une marge budgétaire leur permettant de soutenir la croissance et de stabiliser leur économie. Toutefois, cette dépendance les rend aussi plus vulnérables aux chocs externes, comme les fluctuations de la demande mondiale ou la baisse des cours internationaux.
Tandis que la croissance de certains pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) comme le Sénégal s’améliore, celles d’autres pays du même espace communautaire subissent les contre-coups des chocs externes, des contraintes budgétaires et des fragilités structurelles, révèle le rapport du FMI.
La croissance du Niger est attendue à 6,6 % en 2025, après avoir atteint un niveau exceptionnel de 10,3 % en 2024. Le Bénin (6,5 %) et le Togo (5,3 %) devraient enregistrer des croissances stables entre 2024 et 2025, tandis que pour la Côte d’Ivoire (6,3 %) et la Guinée-Bissau (5,1 %), des hausses respectives de 0,3 et 0,4 point sont attendus par rapport à 2024.
Le Mali et le Burkina Faso ferment la marche, avec des prévisions de croissance de 4,9 % pour le Mali et de 4,3 % pour le Burkina Faso en 2025 (contre 4,4 % en 2024 pour les deux pays), dans un contexte toujours marqué par des tensions sécuritaires et budgétaires.
Dans le reste de la Cedeao, hors Uemoa, les performances économiques sont également variées. Le Nigéria, première économie de la région, affiche une croissance de 3,4 % en 2024, qui devrait ralentir à 3,0 % en 2025. Ce ralentissement interviendrait malgré les efforts notables du gouvernement pour améliorer la mobilisation des recettes, notamment par une meilleure discipline budgétaire et une réduction des exonérations fiscales.
D’autres pays présentent des perspectives plus dynamiques. C’est le cas de la Guinée, dont la croissance passerait de 6,1 % à 7,1 %, ou encore de la Gambie, dont le rythme de progression atteindrait 5,9 % en 2025.
Le Ghana, en revanche, devrait connaître un ralentissement notable, passant de 5,7 % à 4,0 %, alors que le Cap-Vert verrait sa croissance baisser de 6,0 % à 5,0 %. La Sierra Leone afficherait une reprise progressive, avec un taux de croissance de 4,7 % après 3,7 % en 2024.
Quant au Libéria, il enregistrerait une légère amélioration de sa performance économique, avec une croissance projetée à 5,3 % contre 4,8 % en 2024.
Sur le plan budgétaire, le FMI relève que peu de pays ont réussi à augmenter significativement leur ratio recettes/PIB sur la période 2022–2025. Seuls le Nigéria, la Sierra Leone et le Cap-Vert se distinguent avec une progression de plus de deux points de pourcentage.
Ces pays ont concentré leurs efforts sur l’élargissement de l’assiette fiscale, la réduction des exonérations et l’amélioration du respect des obligations fiscales. Malgré cela, la faiblesse globale de la mobilisation des recettes publiques continue de limiter les capacités d’investissement et de réponse sociale dans de nombreux États.
Le rapport du FMI insiste également sur les risques extérieurs qui pèsent sur les perspectives économiques de la région, notamment les tensions commerciales initiées par les États-Unis en avril 2025. Elles pourraient affaiblir la demande mondiale et réduire les recettes d’exportation. Bien que l’exposition directe de la région soit limitée, les pays exportateurs de matières premières restent vulnérables.
S’ajoute à cela la menace d’un recul de l’aide publique au développement. Face à ces incertitudes, le FMI recommande aux États de renforcer les réformes structurelles pour préserver la stabilité macroéconomique et stimuler la croissance.
Selon le FMI, pour les pays les plus pauvres et vulnérables à l’insécurité et aux changements climatiques, le maintien de l’appui financier international est jugé crucial afin d’éviter une accentuation des inégalités et un ralentissement du développement humain.
Malgré les perspectives de reprise économique, le FMI alerte sur le maintien d’un niveau de pauvreté élevé en Afrique subsaharienne. Près d’un tiers de la population de la région vit toujours avec moins de 2,15 dollars par jour. Le rapport insiste sur le fait que les progrès économiques ne profitent pas à tous de manière équitable. En outre, plus de 140 millions de personnes vivent en situation d’insécurité alimentaire grave, ce qui souligne l’urgence de politiques publiques axées sur l’inclusion sociale et le soutien aux plus vulnérables.